
La porte d’entrée de la fondation actuelle.
Photo extraite du livre.
Vous connaissez le Loto du Patrimoine, bien sûr ! Peut-être même y a-t-il joué en France pendant quelques années. Cette action menée avec force par Stéphane Bern est venue nous rappeler qu’outre le Jura, les monuments et sites sont loin d’être tous bons. Ce n’est pas nouveau. A la fin du XVIIIème siècle, plusieurs églises et châteaux (dont royaux) étaient déjà en danger de ruine. Vers 1840, alors que Prosper Mérimée explorait le pays pour déterminer lequel d’entre eux méritait d’être protégé, ils se trouvèrent au bord de l’effondrement… n’étant pas encore exploités par une sinistre “bande noire”.
une naissance aristocratique
L’Etat ne peut pas tout faire. Il n’y a pas longtemps par l’intermédiaire de son ministère de la Culture. Les particuliers doivent s’impliquer. Un grand livre arrive aujourd’hui pour rappeler l’action menée par la Sauvegarde de l’art français. Une association fondée en 1921, devenue récemment une fondation. Tout a commencé alors que la France se remettait péniblement de la Première Guerre mondiale, qui avait multiplié les champs de ruines, notamment dans le nord. Deux personnalités extraordinaires, issues de la plus haute aristocratie française, étaient alors en campagne. Edouard Mortier, cinquième (et dernier) duc de Trévise représentait la noblesse de l’Empire. Sa cousine Aliette de Rohan-Chabot, marquise de Maillé, incarne l’Ancien Régime. Ils avaient la bonne culture, beaucoup d’argent, des relations haut placées et une énergie folle. Ils étaient aussi des visionnaires. Le duo va ainsi imaginer un groupe avec des correspondants locaux, des archives, des photothèques et un mécénat actif. En 1925, le duc de Trévise ira chercher l’argent là où il se trouvait. Il achèvera une tournée américaine en tant que star avec un affichage d’images époustouflantes. Les millionnaires de New York ou de Chicago s’intéresseront ainsi à la grande misère du patrimoine provincial.

Edouard Mortier, 5e duc de Trévise. énergie folle.
DR.
Le but du duc et de la marquise n’était pas, en effet, de venir en aide aux monuments les plus célèbres. Versailles ou Chartes. Les petites chapelles devaient être sauvées. Villes médiévales. Les châteaux oubliés. Les belles maisons des villes secondaires. “Je défends presque exclusivement l’architecture extérieure de notre France, car elle est la propriété de ceux qui n’ont rien”, écrit le duc en 1927. L’action portera ses fruits assez rapidement, malgré les oppositions officielles et les ajournements. La Dépression de 1929 va la ralentir. L’Occupation encore plus. Mais La Sauvegarde de l’Art Français ne s’est jamais arrêtée, ni ne s’est déclarée vaincue. Edouard Mortier mourra en 1949. Aliette de Rohan Chabot restera longtemps seule, ou plutôt entourée de ses volontaires. Cette dame pieuse concentrera ses efforts sur les églises. Mais il faut dire qu’elle devra composer avec les autres associations de sauvegarde. A chacun sa spécialité !
“Je défends presque exclusivement l’architecture extérieure de notre France, car elle est la propriété de ceux qui n’ont rien.”
Aujourd’hui, la fédération laïque est dirigée par un autre Rohan-Chabot, qui a succédé à deux Cossé-Brissac. Mais les membres actifs sont devenus beaucoup plus jeunes. Les chantiers ont ainsi pu se multiplier. Tout n’est pas toujours évident. Dans ce livre plus pointilliste qu’impressionniste dans la mesure où il donne la parole à chacun, le lecteur apprend ainsi comment peut agir une banque. La manière dont une restauration est pratiquée dans les normes. Comment mobiliser les gens de bonne volonté, loin des centres de décision (pourvu que le pays en ait plusieurs !). Généralement on est dans la France profonde, mais cette fois dans le bon sens du terme. Pierre de Becque, le maire d’Authiou dans la Nièvre, vient nous expliquer la renaissance de l’église romane Saint-Sulpice, inscrite sur la “liste complémentaire” en 1995. Un bel effort pour un village de pas plus de quarante-cinq quatre habitants. “Je me sens fier d’être le dernier maillon d’une démarche entreprise il y a trente ans par un habitant de la ville.”
Entraine toi
“Sauvegarder l’art français, 100 ans d’actions et de luttes au service du patrimoine”, édité par Chloé Demonet, aux Editions du Patrimoine et de la Fondation pour la sauvegarde de l’art français, 232 pages.

Aliette de Rohan-Chabot, marquise de Maille. Une vie au service du patrimoine.
Né en 1948, Étienne Dumont Il a fait des études à Genève qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, correct. Avocat raté, il se lance dans le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant à parler de cinéma. Puis vinrent les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.
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– Un beau livre pour la sauvegarde de l’art français
L’association, transformée en fondation, a fêté son centenaire. Le livre peut ainsi raconter l’histoire de ce groupe qui vient en aide aux monuments mineurs.